Les
problématiques relatives à la technique ou aux technologies ne sont
pas simples et semblent être source de malaise;ce message ne
résoudra évidemment rien,mais essayera modestement d'apporter un
éclairage après celui d'il y a quelques mois dans lequel j'évoquai
la question centrale de l'évolution des technologies,
phénomène actuel caractérisé par une accélération bien
mise en évidence par l'équipe de Ray Kurzweil.S'il y a un point sur
lequel tout le monde s'accorde c'est bien celui qui,dès la création
de ces concepts,présente la «technè» (d'ou dérive notre
'technique') comme différente de la «poésis»:la
fabrication qui est un assemblage diffère de ce qui est une
création (de la cause qui engendre quelque chose à partir de
rien).
Co-évolution
et technologies
L'essentiel
est,me semble-t-il,de s'adapter au contemporain – de comprendre le
présent? - et cette exigence nous impose d'accepter l'omniprésence
de la technologie.Nous nommons 'progrès technologique' la
co-évolution des artéfacts (dont nous donnons un tableau
ci-dessous) mais force est de constater qu'elle n'est pas toujours
synonyme de 'progrès tout court' pour nous,les humains.
L'apprentissage
ou comment discerner 'le vrai v/s le faux'.
Replaçons
les artéfacts que nous utilisons en perspective comme nous l'expose
M.Puech dans son ouvrage 'homo sapiens technologicus'.
Nature
de l'artéfact
|
Définitions
classiques
|
Exemples
|
Nano-artéfacts
|
Technologies
qui opèrent à l'échelle moléculaire,micrométrique ou
nanométrique
|
Principes
actifs,rayonnements...
|
Prothèses
|
Améliorent
ou remplacent un organe humain
|
Lentilles
de contact,valves...
|
Vêtements
|
Enveloppent
et protègent
|
Chaussures,casques,vestes,gants
|
Infrastructures
|
Fonctionnement
non-énergétique et collectif
|
Bâtiments,câbles,routes...
|
Ustensiles
statiques
|
Outils
utilisant l'énergie humaine
|
Livres,brouettes,vélos...
|
Ustensiles
énergétiques
|
Appareils
personnels
|
Lave-linge,voilier,voitures...
|
Machines
collectives
|
Fonctionnent
comme les nœuds d'un réseau de production
|
Usines,trains,avions....
|
Machines
informationnelles
|
Dimension
informationnelle essentielle à leur fonctionnement
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Automates,ordinateurs,appareil
photo,HiFi,télévision...
|
Tableau
1 : Catégories d'artéfacts selon Michel Puech (2008)
Ces
artéfacts et nous-mêmes sommes en co-évolution c'est à dire que
nous sommes liés dans des réseaux d'interactions complexes (et pas
seulement pris dans 'la toile' comme on cherche sans arrêt à nous
le faire croire) entre nature,culture,savoir,projet,valeurs.Le
vecteur 'évolution' des artéfacts semble orienté du corps humain à
son esprit – les artéfacts les plus simples sont proches du
corps,les plus complexes sont proches de son esprit - et cela n'est
pas sans conséquence sur la vision que nous avons de notre propre
humanité:l'humanisme a-t-il besoin d'un 'toilettage' ou doit-il
laisser la place aux post-humanistes disant le vrai du post-humain?
(cf Ray Kurzweil)
Le
web offre des possibilités avant d'ouvrir sur des perspectives;il
permet à tout un chacun de se former dans la pratique de la
micro-informatique,d'être un autodidacte dans des domaines fermés
et/ou réservés à une élite.Tous les tutorials expliquant les
subtilités de la programmation avec force exemples sont accessibles
en ligne,toutes les caractéristiques techniques de la machine et de
son fonctionnement sont disponibles;ce n'est pas 'facile',il faut du
temps et de la patience et les résultats sont fonction de la
passion,de l'attention que l'on y met.C'est devenu une banalité de
dire que le web regorge d'initiatives ou les bonnes volontés,la
générosité et l'altruisme peuvent s'exprimer librement mais il
faut la répéter et s'en convaincre car il ne sert de rien
d'attendre demain que le progrès rende cette technique plus simple
ou plus abordable.Cette constatation s'impose d'elle même:la
créativité,le nombre d'innovations dues à des
programmeurs,talentueux mais 'sans le sous' sont légions;en effet
'l'open
source'
ouvre toutes les possibilités.Pour paraphraser Michel Puech
insistons sur ce point:la micro-informatique tient ses promesses,elle
tient la place d'un «contrat
de civilisation,tacite et inaperçu».Du
co-voiturage à la livraison d'un hamac sud-américain,de la
plateforme audio numérique qui propose des radios thématiques à la
page de la météo locale qui informe sur les risques de pluie dans
l'heure comment ne pas être convaincu des bienfaits du progrès,de
cette révolution culturelle permanente?
La
technologie est donc notre environnement et la question porte sur la
coévolution de la nature,de la technologie et de l'humain.La
«technologie
est l'un des termes de l'habitation humaine du monde,au même titre
que la nature»
nous explique Michel Puech.Si Homo
Sapiens
s'insère dans la nature,homo
sapiens technologicus
est un acteur de l'environnement technologique et à ce titre doit
trouver un
savoir-être écologique dans la technologie puisqu'il
veut bâtir une sphère humaine investit d'un projet humain.Mais ce
projet est loin d'aller de soi et les difficultés nombreuses doivent
être envisagées avec lucidité.Il faut en effet se persuader que la
technologie se distingue de la science par le fait qu'elle est action
et non 'discours ou 'méta-langage';la critique que j'adressais aux
propos de Kurzweil ne portait pas sur l'événement démontré de
l'accélération des technologies mais bien sur les 'mises en scènes'
d'hypothétiques technologies d'après demain:les prophéties portant
sur la 'Singularité' n'ont,je crois,pas de valeur.Il n'en reste pas
moins vrai que le climat mondial change sous la pression de facteurs
anthropiques et que nous devons modifier nos comportements mais
justement en choisissant
les technologies appropriées:transition énergétiques,mode de
distribution de l'énergie,mode de déplacement plus doux.L'une des
causes au 'malaise' évoqué plus haut provient sans doute de
l'efficacité
des technologies utilisées et aussi du fait que cette efficacité
constatée est présentée comme une 'valeur' alors que les
conséquences d'un usage inconsidéré des techniques sont
manifestement désastreuses;il devient urgent de prendre en
considérations les 'externalités' jusqu'ici minorées par les
différentes approches économiques.Je pense aussi que ce malaise
tient à la prise de conscience plus ou moins partagée que face aux
efficacités
technologiques
nos modes de penser doivent évoluer voir se métamorphoser et pour
tout dire que le seul discours rationnel des techniciens et
scientifiques peut avoir encore du sens face aux imprécations
partisanes.Les
thermo-dynamiciens le savent depuis longtemps et les travaux de LlyaPrigogine l'ont abondamment prouvé:l'univers n'est pas
uniquement constitué de matière et d'énergie:il faut y intégrer
également l'information.Cette idée a toujours du mal a imprégner
l'économie politique car comment expliquer leur 'dogme' de la
croissance illimitée qui est bien synonyme d'un accroissement
illimité de l'entropie? La néguentropie à mettre en second membre
de l'équation est bien loin actuellement - semble-t-il - de
compenser l'accroissement du chaos.
Technologies,économie
et politique forment ensembles un nœud gordien qu'il est impossible
de dénouer.Karl Popper en son temps nous le démontrait:la science
est imprédictible (le progrès mathématique n'est pas prévisible)
mais l'espoir en des jours meilleurs grâce à la science ne me
paraît pas absurde.....pourvu que les technologies soient décidées
par des hommes et des femmes épris de sagesse.
Propylée,arborescence
de descripteurs des sciences,techniques et industrie.
Avec
la mise en ligne du site Propylée l'arborescence
sera très bientôt consultable en ligne et je profite de l'occasion
pour préciser encore une fois qu'une classification,une nomenclature
n'a pas valeur de classement:Alors
que la classification est l’établissement de catégories, le
classement est l’insertion, selon un ordre donné, d’individus ou
d’objets à l’intérieur des classes.
Le
site insistera sur les différences entre l'élaboration d'une liste
de termes et une arborescence de ces mêmes termes.La
liste est le fruit d'un inventaire, l'arborescence celui d'une
nomenclature.Il
n'y a aucune volonté de hiérarchiser dans une nomenclature mais une
volonté de clarifier en regroupant par catégories,de disposer les
termes dans leur contexte de façon simple et un peu (trop?)
schématique.Dans notre manière de penser et d'organiser le monde,la
structure de données arborescente s'impose depuis l'installation de
l'informatique dans le paysage technologique. L'objectif du site est
à la fois de populariser ces notions d'inventaires et de
nomenclatures,d'assister momentanément des personnes en difficulté
sur une requête dans un moteur de recherche,d'offrir à certains
micro-informaticiens professionnels la possibilité d'élargir la
palette des référencements et de vulgariser une discipline méconnue
(voire mal aimée):la taxonomie.Vous pouvez d'ores et déjà vous
inscrire sur le site.
Pour
compléter la réflexion:
Michel
Puech:ISBN
978-2-7465-0357-1