vendredi 25 janvier 2013

Démocratie et technologies



Qu'entend-on par 'évolution technique' ?


Avec Xavier Guchet (2005) accordons-nous sur les trois sens de l'idée 'd'évolution technique':
  • la technique s'inscrit dans la grande évolution des vivants (humanisation par l'outil).
  • Les formes techniques se succèdent en suivant des lois d'évolution analogues à celles que suivent les formes vivantes
  • le développement des techniques est un processus naturel,sans sujet.
Rétrospectivement,il est possible de distinguer plusieurs étapes dans le processus

Phases  éotechnique           paléotechnique                      néotechnique                                     biotechnique
---------------|----------------------------|-----------------------|------------------------|---------------------------------->
ans               850                                    1350                               1830                                                            1950


Phases successives dans l'histoire des techniques (Lewis Mumford 1950)


  • La phase éotechnique correspond à la période utilisant l'eau et le vent comme source d'énergie
  • La phase paléotechnique correspond à la période utilisant le charbon comme source d'énergie (+ le Fer)
  • La phase néotechnique utilise l'électricité comme source d'énergie (+ les alliages)
  • La phase biotechnique s'annonce comme utilisant le flux d'électrons comme source énergétique (+ épitaxie )


Précisons cependant que seules sont prises en considération ici les questions de matière et d'énergie;le processus serait encore plus embrouillé si nous tenions compte des phénomènes liès à l'information.Dans cette nouvelle optique il faudrait évoquer la 'convergence NBIC',mais cela dépasserait le simple cadre de ce message.
Comme nous l'avions vu en présentant la question de l'évolutionnisme,il pourrait être utile d'aborder le problème sous deux angles différents:les structures et les fonctions.D'une certaine façon la typologie présentée par M.Puech constitue une approche et les deux auteurs étudiés semblent reconnaitre l'importance d'un macro-système technique:"un MST assure à la fois la circulation des flux et la capacité à s'informer sur ces flux et sur l'état du réseau en tous ses points.Le MST se caractérise par le couplage entre un réseau de circulation des flux de matière,d'électricité (ou de personnes) et un réseau d'information."(X.Guchet -2005).
[[machines collectives]+[machines informationnelles]]=MST


Pour revenir à notre sujet,ces considérations nous permettent d'évaluer l'importance reconnue de la micro-informatique qui intervient au moins à deux niveaux:
  • Au niveau collectif-social par le 'monitoring' :La démocratie technologique passera par la mise en oeuvre d'un monitoring de la technologie.C'est à dire par une supervision d'un processus quelqu'il soit et consécutivement l'intervention possible,à tout moment à la suite de cette surveillance.
  • Au niveau individuel par une 'réappropriation de soi'.En cela le moniteur se distingue du maitre et le monitoring de la maitrise:il s'agit non pas d'une domination rendue légitime par le savoir,mais d'une veille à juste distance pour intervenir si nécessaire en fonction d'un projet commun préalablement explicité.Le monitoring de la technologie relève de la compétence démocratique des anonymes et non de la compétence technocratique des experts.
Aperçu d'une arborescence 'Propylée'


La question des compétences démocratiques des anonymes nous renvoie à la veille,à l'apprentissage, au travail collectif bref à autant de sujets qu'une consultation de l'arborescence de descripteurs peut faciliter.
Propylée  propose plusieurs petites nomenclatures consultables en ligne.L'inscription sur le site est gratuite et nécessaire avant la consultation.Il suffit d'indiquer un ID et une adresse e-mail valide pour récupérer le lien de connexion.


 

Applet Flash pour naviguer dans la carte

 

 

Pour compléter:

Xavier Guchet: 978-2-915280-79-1







vendredi 4 janvier 2013

Nos technologies



Les problématiques relatives à la technique ou aux technologies ne sont pas simples et semblent être source de malaise;ce message ne résoudra évidemment rien,mais essayera modestement d'apporter un éclairage après celui d'il y a quelques mois dans lequel j'évoquai la question centrale de l'évolution des technologies, phénomène actuel caractérisé par une accélération bien mise en évidence par l'équipe de Ray Kurzweil.S'il y a un point sur lequel tout le monde s'accorde c'est bien celui qui,dès la création de ces concepts,présente la «technè» (d'ou dérive notre 'technique') comme différente de la «poésis»:la fabrication qui est un assemblage diffère de ce qui est une création (de la cause qui engendre quelque chose à partir de rien).



Co-évolution et technologies



L'essentiel est,me semble-t-il,de s'adapter au contemporain – de comprendre le présent? - et cette exigence nous impose d'accepter l'omniprésence de la technologie.Nous nommons 'progrès technologique' la co-évolution des artéfacts (dont nous donnons un tableau ci-dessous) mais force est de constater qu'elle n'est pas toujours synonyme de 'progrès tout court' pour nous,les humains.

L'apprentissage ou comment discerner 'le vrai v/s le faux'.


Replaçons les artéfacts que nous utilisons en perspective comme nous l'expose M.Puech dans son ouvrage 'homo sapiens technologicus'.



Nature de l'artéfact
Définitions classiques
Exemples
Nano-artéfacts
Technologies qui opèrent à l'échelle moléculaire,micrométrique ou nanométrique
Principes actifs,rayonnements...
Prothèses
Améliorent ou remplacent un organe humain
Lentilles de contact,valves...
 
Vêtements
Enveloppent et protègent
Chaussures,casques,vestes,gants
Infrastructures
Fonctionnement non-énergétique et collectif
Bâtiments,câbles,routes...
Ustensiles statiques
Outils utilisant l'énergie humaine
Livres,brouettes,vélos...
Ustensiles énergétiques
Appareils personnels
Lave-linge,voilier,voitures...
Machines collectives
Fonctionnent comme les nœuds d'un réseau de production
Usines,trains,avions....
Machines informationnelles
Dimension informationnelle essentielle à leur fonctionnement
Automates,ordinateurs,appareil photo,HiFi,télévision...

Tableau 1 : Catégories d'artéfacts selon Michel Puech (2008)

Ces artéfacts et nous-mêmes sommes en co-évolution c'est à dire que nous sommes liés dans des réseaux d'interactions complexes (et pas seulement pris dans 'la toile' comme on cherche sans arrêt à nous le faire croire) entre nature,culture,savoir,projet,valeurs.Le vecteur 'évolution' des artéfacts semble orienté du corps humain à son esprit – les artéfacts les plus simples sont proches du corps,les plus complexes sont proches de son esprit - et cela n'est pas sans conséquence sur la vision que nous avons de notre propre humanité:l'humanisme a-t-il besoin d'un 'toilettage' ou doit-il laisser la place aux post-humanistes disant le vrai du post-humain? (cf Ray Kurzweil)



Le web offre des possibilités avant d'ouvrir sur des perspectives;il permet à tout un chacun de se former dans la pratique de la micro-informatique,d'être un autodidacte dans des domaines fermés et/ou réservés à une élite.Tous les tutorials expliquant les subtilités de la programmation avec force exemples sont accessibles en ligne,toutes les caractéristiques techniques de la machine et de son fonctionnement sont disponibles;ce n'est pas 'facile',il faut du temps et de la patience et les résultats sont fonction de la passion,de l'attention que l'on y met.C'est devenu une banalité de dire que le web regorge d'initiatives ou les bonnes volontés,la générosité et l'altruisme peuvent s'exprimer librement mais il faut la répéter et s'en convaincre car il ne sert de rien d'attendre demain que le progrès rende cette technique plus simple ou plus abordable.Cette constatation s'impose d'elle même:la créativité,le nombre d'innovations dues à des programmeurs,talentueux mais 'sans le sous' sont légions;en effet 'l'open source' ouvre toutes les possibilités.Pour paraphraser Michel Puech insistons sur ce point:la micro-informatique tient ses promesses,elle tient la place d'un «contrat de civilisation,tacite et inaperçu».Du co-voiturage à la livraison d'un hamac sud-américain,de la plateforme audio numérique qui propose des radios thématiques à la page de la météo locale qui informe sur les risques de pluie dans l'heure comment ne pas être convaincu des bienfaits du progrès,de cette révolution culturelle permanente?
La technologie est donc notre environnement et la question porte sur la coévolution de la nature,de la technologie et de l'humain.La «technologie est l'un des termes de l'habitation humaine du monde,au même titre que la nature» nous explique Michel Puech.Si Homo Sapiens s'insère dans la nature,homo sapiens technologicus est un acteur de l'environnement technologique et à ce titre doit trouver un savoir-être écologique dans la technologie puisqu'il veut bâtir une sphère humaine investit d'un projet humain.Mais ce projet est loin d'aller de soi et les difficultés nombreuses doivent être envisagées avec lucidité.Il faut en effet se persuader que la technologie se distingue de la science par le fait qu'elle est action et non 'discours ou 'méta-langage';la critique que j'adressais aux propos de Kurzweil ne portait pas sur l'événement démontré de l'accélération des technologies mais bien sur les 'mises en scènes' d'hypothétiques technologies d'après demain:les prophéties portant sur la 'Singularité' n'ont,je crois,pas de valeur.Il n'en reste pas moins vrai que le climat mondial change sous la pression de facteurs anthropiques et que nous devons modifier nos comportements mais justement en choisissant les technologies appropriées:transition énergétiques,mode de distribution de l'énergie,mode de déplacement plus doux.L'une des causes au 'malaise' évoqué plus haut provient sans doute de l'efficacité des technologies utilisées et aussi du fait que cette efficacité constatée est présentée comme une 'valeur' alors que les conséquences d'un usage inconsidéré des techniques sont manifestement désastreuses;il devient urgent de prendre en considérations les 'externalités' jusqu'ici minorées par les différentes approches économiques.Je pense aussi que ce malaise tient à la prise de conscience plus ou moins partagée que face aux efficacités technologiques nos modes de penser doivent évoluer voir se métamorphoser et pour tout dire que le seul discours rationnel des techniciens et scientifiques peut avoir encore du sens face aux imprécations partisanes.Les thermo-dynamiciens le savent depuis longtemps et les travaux de LlyaPrigogine l'ont abondamment prouvé:l'univers n'est pas uniquement constitué de matière et d'énergie:il faut y intégrer également l'information.Cette idée a toujours du mal a imprégner l'économie politique car comment expliquer leur 'dogme' de la croissance illimitée qui est bien synonyme d'un accroissement illimité de l'entropie? La néguentropie à mettre en second membre de l'équation est bien loin actuellement - semble-t-il - de compenser l'accroissement du chaos.

Technologies,économie et politique forment ensembles un nœud gordien qu'il est impossible de dénouer.Karl Popper en son temps nous le démontrait:la science est imprédictible (le progrès mathématique n'est pas prévisible) mais l'espoir en des jours meilleurs grâce à la science ne me paraît pas absurde.....pourvu que les technologies soient décidées par des hommes et des femmes épris de sagesse.



Propylée,arborescence de descripteurs des sciences,techniques et industrie.

Avec la mise en ligne du site Propylée l'arborescence sera très bientôt consultable en ligne et je profite de l'occasion pour préciser encore une fois qu'une classification,une nomenclature n'a pas valeur de classement:Alors que la classification est l’établissement de catégories, le classement est l’insertion, selon un ordre donné, d’individus ou d’objets à l’intérieur des classes.

Le site insistera sur les différences entre l'élaboration d'une liste de termes et une arborescence de ces mêmes termes.La liste est le fruit d'un inventaire, l'arborescence celui d'une nomenclature.Il n'y a aucune volonté de hiérarchiser dans une nomenclature mais une volonté de clarifier en regroupant par catégories,de disposer les termes dans leur contexte de façon simple et un peu (trop?) schématique.Dans notre manière de penser et d'organiser le monde,la structure de données arborescente s'impose depuis l'installation de l'informatique dans le paysage technologique. L'objectif du site est à la fois de populariser ces notions d'inventaires et de nomenclatures,d'assister momentanément des personnes en difficulté sur une requête dans un moteur de recherche,d'offrir à certains micro-informaticiens professionnels la possibilité d'élargir la palette des référencements et de vulgariser une discipline méconnue (voire mal aimée):la taxonomie.Vous pouvez d'ores et déjà vous inscrire sur le site.


Pour compléter la réflexion:

Michel Puech:ISBN 978-2-7465-0357-1